poser les bases.

Par quoi commencer quand on s’attaque à une reconversion ?

Au début du périple, je pars d’une envie simple : continuer, après des années de librairie, à trouver un sens humain dans ma pratique. C’est-à-dire considérer un usager non pas comme une variable d’ajustement, mais bien comme un point de départ à chaque décision. Assez vague comme commencement quand tant de métiers ont ce trait commun. Le divertissement, la tech, le soin ; tous ces domaines se rejoignent en ce qu’ils doivent répondre à une attente, celle du spectateur, de l’utilisateur, du patient. L’expertise les recouvre dans un deuxième temps uniquement. Ou plutôt, devrait le faire. Et c’est bien là que je me trouvais dans une impasse. Quels métiers, aujourd’hui, ont encore les moyens de faire passer l’humain au premier plan ?

J’ai repensé à cette démarche dont j’avais entendu parler au gré de mon parcours et de mes rencontres, le design centré utilisateur. La révolution assumée du user first. Si l’on réfléchit bien, l’approche n’est pas nouvelle, nombre de personnes essaient de l’appliquer instinctivement dans leur métier. Mais c’est bien là que la différence se fait : dans la formalisation de l’idée d’un utilisateur à la base de la réflexion, le passage de l’instinct au regard scientifique. Les pratiques, les techniques se sont affinées pour définir un processus de conception où l’utilisateur est devenu la contrainte originelle.  

Le design centré utilisateur, oui, mais lequel ? Design de produit, design de service, design social… Où se place l’UX design là-dedans ? Et bien en réalité, un peu partout. L’UX a tendance à être raccroché à l’univers numérique, pourtant il est bien plus vaste ; je crois qu’il pourrait être vu comme un approfondissement de la démarche du design centré utilisateur, plutôt que comme l’une de ses composantes. Le point clef de l’UX c’est le x de « experience » qui pousse plus loin encore le travail. On ne parle plus seulement d’usabilité ou d’ergonomie, mais aussi de ce qui se passe avant et après une interaction, du ressenti, des conséquences de cette interaction, bref, de l’expérience de l’utilisateur dans son entièreté. C’est cette globalité qui doit laisser un souvenir à l’usager, qui doit le marquer et le pousser à revenir. L’UX est un travail holistique. Je crois qu’il est essentiel de le garder en tête lorsque l’on s’aventure dans ce domaine.

Il est aussi important de se rappeler que le terme « design », contrairement à sa connotation dans l’imaginaire collectif, signifie « conception » et non pas « création ». Bien sûr, pour la partie UI (user interface), la sensibilité esthétique est importante. Mais comprendre ce qui va plaire et attirer visuellement n’est qu’une partie de l’ensemble, et surtout dépend de la qualité d’un travail approfondi en amont. Il faut bien réaliser que l’UX est en réalité une démarche scientifique. Quand on pense sciences, on pense immédiatement sciences dures, labo, problèmes mathématiques, expériences. L’UX a bien évidemment plus trait aux sciences sociales et humaines (psychologie, sciences cognitives, sémiologie, sociologie, anthropologie…). Mais toutes ces sciences ont comme point commun de se baser sur un processus de recherche et de production identique : d’abord on observe, ensuite on émet une hypothèse, ensuite on expérimente puis on constate et interprète les résultats. Le fondement est le même en UX et impose de partir du même point de départ : celui de l’humilité. Admettre que l’on ne sait pas, qu’on doit chercher, essayer, se tromper et ne jamais se placer en position d’expert. Le processus en UX design a tout de même ses spécificités : là où la science considère l’interprétation des résultats comme l’aboutissement du travail, l’UX ne la voit que comme une étape dans la boucle itérative dont l’objectif final est une amélioration d’un service.

D’abord donc, on observe. On va sur le terrain, on pose des questions, on regarde. On lit aussi de la documentation, des études, des rapports, peut-être des chiffres. En somme, on allie de la recherche primaire et de la recherche secondaire. Tout cela dans une logique de compréhension de notre utilisateur : qui est-il ? quels sont ses moyens techniques, physiques financiers, culturels ? quelles sont ses habitudes, ses envies, ses freins ? Beaucoup de choses vont découler de ces résultats. Il faut impérativement connaître et comprendre sa cible pour adapter le fond et la forme de notre communication. C’est exactement comme en cours : un même sujet ne sera pas expliqué de la même façon selon que l’on s’adresse à des élèves de primaire, des collégiens ou des lycéens.

Une fois que l’on a tout ça, on peut réfléchir à la meilleure manière de faire passer les informations de notre interface à nos utilisateurs, en prenant en compte, l’avant, l’après, le contexte. Persona, « experience map », cas d’usage, beaucoup d’outils sont à la disposition de l’UX designer pour dérouler cette réflexion de la façon la plus juste possible et aboutir à une expérience globale cohérente. Quand on pense avoir une première version de notre interface, on la met en forme, on passe donc à la phase de prototypage. Puis on teste pour se rendre compte des satisfactions, des zones de friction, des oublis aussi. Puis on reprototype. Puis on teste – jusqu’à s’arrêter sur la version qui pourra voir le jour.

Là aussi on touche quelque chose d’important : la progression par l’erreur. Parfois vue d’un mauvais œil, l’erreur est pourtant fondamentale dans nos vies, certes, mais en l’occurrence ici dans l’UX. Se tromper c’est comprendre ce qui nous échappait. Quand on connaît l’objectif premier de l’UX – comprendre ses utilisateurs et les satisfaire – comment ne pas considérer l’erreur comme essentielle ? Avec la contrainte, elles forment les deux piliers les plus importants de la démarche UX comme travail scientifique. Deux termes a connotation négative, qui sont pourtant des sources infinies pour la conception.

Voilà ma compréhension de l’UX design. C’est mon point de départ, ce qui fait le pont entre mon ancienne vie, qui je suis et mon avenir. A moi d’explorer cette nouvelle dimension et d’en faire quelque chose. La prochaine fois que vous trinquez, trinquez au renouveau en pensant à moi !

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